Saint-Brieuc. « Nous, les artisans, devons rendre nos entreprises attrayantes »

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Mardi 18 juin 2019 19:30 – Saint-Brieuc – Alexandre MARTEL –
Parution Ouest France
Un chaudronnier qui débute gagne en moyenne 12,50 euros de l’heure, selon Alain Panhalleux, dirigeant de l’entreprise de chaudronnerie Inox

Alain Panhalleux, chaudronnier de métier, dirige aujourd’hui, sa propre entreprise, Pactisoud, installée à Yffiniac (Côtes-d’Armor). Il livre sa vision du métier, de l’apprentissage et de l’artisanat en général.

Entretien avec Alain Panhalleux, dirigeant de Pactisoud, entreprise spécialisée dans la chaudronnerie inox, basée à Yffiniac.

Vous avez débuté en qualité de métallier. Comment êtes-vous devenu chaudronnier, puis chef d’entreprise de Pactisoud ?

J’ai commencé mon apprentissage dans un petit atelier. Puis, je me suis formé en chaudronnerie-tuyauterie. Je suis alors parti faire de grands déplacements sur le territoire national, en travaillant principalement pour le secteur du nucléaire.

Quand j’en ai eu assez, j’ai décidé de revenir en Bretagne (NDLR : Alain Panhalleux est Morbihannais) et après une étude de marché, ma femme et moi avons fondé Pactisoud, en mai 1989, à Yffiniac. Cette année nous fêtons les 30 ans de l’entreprise.

Avez-vous eu des difficultés à créer votre entreprise ?

À l’époque, il n’y avait pas toutes ces contraintes administratives et la fiscalité était moins lourde. De plus, je suis tombé à une période où la chaudronnerie inox se démocratisait, grâce à la forte demande des industries agroalimentaires comme Kermené et Stalaven. En vingt ans, nous sommes passés de deux à vingt-cinq employés, j’ai agrandi plusieurs fois nos locaux. Aujourd’hui, nous travaillons dans une surface de plus de 2 000 m2.

Comment décririez-vous le métier de chaudronnier à des jeunes qui cherchent leur voie ?

Le cœur de notre métier c’est la transformation du métal. C’est apprendre à souder, à créer et à assembler des pièces. Et chaque commande est différente, on ne réalise jamais la même chose. Être chaudronnier, c’est choisir la diversité toute l’année. Évidemment, cela reste un métier manuel, donc physique, mais son évolution fait qu’aujourd’hui seulement 30 % de son temps de travail se déroule sur les chantiers. Le reste du temps, il est à l’atelier.

Comment expliquez-vous ce déficit d’image dont souffre la chaudronnerie ?

Il n’y a pas que la chaudronnerie concernée. D’ailleurs, je pense qu’elle est sur une pente ascendante. Le véritable problème ne concerne pas tant l’artisanat, c’est surtout la vision de l’apprentissage qui est biaisée. Quand les jeunes débutent comme apprentis, ils sortent généralement de 3e, c’est donc leur première expérience dans le monde du travail. Un choc pour eux.

Pour les garder et diffuser une bonne image de nos différents corps de métiers, nous devons rendre nos entreprises attrayantes. C’est la clé ! À Pactisoud, nous avons acheté cinq ponts roulants et des chariots élévateurs pour que nos employés n’aient pas à forcer.

Beaucoup n’osent pas devenir artisans, reprochant une évolution quasi-nulle et une rémunération faible par rapport au travail consacré. Que répondez-vous ?

Je préfère ne pas m’avancer sur les autres secteurs, mais concernant la chaudronnerie, c’est faux. Aujourd’hui, un chaudronnier qui débute gagne environ 12,50 € de l’heure en brut et le salaire évolue avec l’ancienneté. Sans compter les éventuelles primes.

Enfin, il est tout à fait possible d’évoluer. Un exemple, il y a quelques années, j’avais recruté un chaudronnier. Aujourd’hui, c’est notre chargé d’affaires. Je pense que c’est aussi valable dans les autres secteurs.

Certaines entreprises se refusent à prendre des apprentis. Pourquoi selon vous ?

Lorsqu’un dirigeant prend un apprenti, tous les frais sont à sa charge, et, beaucoup ne souhaitent pas investir dans la formation de peur que l’apprenti ne s’épanouisse pas dans son job, ou encore ne reste pas après son apprentissage. Moi je pense différemment, mais chacun est libre de concevoir sa société comme il le souhaite. Cependant, je pense qu’une aide de l’État pour l’apprentissage en persuaderait plus d’un et donnerait un coup de boost à l’artisanat.